Athènes, ville éternelle
Athènes, ville éternelle
Le premier cours de philosophie que le Cégep de Trois-Rivières m’a confié à l’automne 1970 portait sur la philosophie grecque. J’ai appris cette affectation quatre jours avant le début des cours. J’ai puisé dans mes notes de cours universitaires, j’ai beaucoup lu et j’ai appris une semaine avant mes étudiants. Je me souviens qu’à l’époque j’avais beaucoup insisté sur l’importance du contexte géosociopolitique qui a donné naissance à la philosophie grecque et occidentale. Pendant les 23 jours que nous avons passés en Grèce, en parcourant l’Acropole et l’Agora, je me suis dit intérieurement qu’il eut mieux été préférable de venir à Athènes avant de donner mon cours. J’aurais sans doute été plus convaincant et démonstratif.
Visiter Athènes fait surgir tellement d’échos que l’émotion te gagne. Un vif sentiment de réminiscence, de connivence t’envahit.
D’abord l’incontournable Acropole. Même si nous avons vu mille fois le Parthénon en photo dans tous les restaurants grecs de Montréal, l’ascension de la célèbre colline impressionne. S’asseoir dans le théâtre de Dionysos ; fermer les yeux un instant ; s’imaginer spectateur d’une pièce d’Euripide ou de Sophocle. Une nouvelle dimension surgit.
Nous avons la chance d’être là par une belle journée ensoleillée et un jour de fête nationale pour les Athéniens. La foule est nombreuse. Du sommet, c’est bien sûr le Parthénon qui occupe toute l’attention. Les rénovations nombreuses nous en cachent des pans. Mais la grandeur de l’édifice et son harmonie force l’admiration.
Voir le Parthénon, c’est aussi voir Athènes d’en haut. Nous sommes frappés par le parc de cèdres et de pins qui ceinture le lieu. Contraste avec l’aridité du sommet. Une belle avenue piétonnière nous accueille en redescendant. On y déambule lentement vers la Plaka. Très touristique, le quartier a tout de même conservé son charme surtout si on sait s’éloigner des rues plus commerciales. En parcourant les rues Tripodon, Épiménidou ou Bacchou, surgissent au détour petits restos (tavernes), fleurs aux fenêtres. On y flânerait des heures pour le plaisir des yeux et des narines.
Le lendemain, découverte de l’Agora, centre de la vie publique de la cité antique. Autre moment d’émotion. En marchant le chemin des Panathénées qui traverse l’Agora et en sillonnant les vestiges, nous nous imaginions la vie à l’époque de Socrate, de Platon et de Périclès. Voir ce qu’ils voyaient : le temple d’Héphaïstos à gauche sur son promontoire et le grand bâtiment du Stoa d’Attalos aujourd’hui restauré qui abrite maintenant un musée sur la démocratie athénienne. Quelle plongée dans l’histoire qui vaut mille livres et cent cours.
En sortant de l’Agora ancien, nous empruntons les rues Apostolou et Parlou et décidons d’aller visiter la petite église Agios Dimitrios. Montons vers cet îlot de verdure. L’étonnante petite église byzantine ressemble à un chalet. Elle est fermée. Mais une découverte nous attend. En montant vers la PHIKA (PHYX), nous voyons une petite affiche : la prison de Socrate. Intrigués, nous prenons le sentier et débouchons sur un rocher. Et là : 3 cellules aux barreaux ancrés dans le roc. Aucun guide de voyage n’y fait référence. On imagine Socrate et découvrons la vue qu’il avait de sa prison. Une perspective unique sur L’Acropole. Quelle vue splendide pour boire la ciguë…
Nous avions au départ une idée fausse d’Athènes. On la disait polluée et bruyante. Dans sa cuvette entourée de montagnes, à 40 degrés, on doit sans doute étouffer l’été venu. Mais à l’automne, à 18 degrés, on y est bien. Avouons que la ville n’est pas très propre. Mais la richesse de ses musées, ses avenues animées, son marché public, ses nombreux parcs font vite oublier ses défauts.
Nous avons fort apprécié le musée des Cyclades et de l’art grec ancien, bijou pédagogique pour comprendre la vie dans l’Athènes antique. Aussi l’incontournable musée archéologique national. Nous avons été éblouis par la richesse de sa collection, particulièrement les sculptures. On pourrait y passer plusieurs jours.
Notre séjour à Athènes s’est terminé par une ballade dans le quartier contestataire Exarhia, bastion des étudiants et des gauchistes qui préparaient pour le lendemain une grande manifestation anti-répression policière, évènement annuel qui paralyse une partie de la ville. La démocratie est encore bien vivante… Si vous passez par là, il faut vous arrêter à la taverne Baba-Yannis, angle Benaki-Dervenion. Des plats copieux à petits prix, un service ultrarapide et atmosphère décontractée. L’Athènes profonde ! Pour finir la journée, funiculaire jusqu’au sommet du mont Lycabette. Tout Athènes est là à vos pieds. On y voit même la mer à l’horizon.
Dans son très beau livre de voyage sur la Grèce, Le Collosse de Maroussi, Henry Miller écrit : « Je me rendis compte qu’il n’y a pas plus de Grèce antique que de Grèce nouvelle ; qu’il y a seulement la Grèce - monde conçu et créé pour l’éternité. »
Alain, novembre 2008
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