PEUT-0N SURVIVRE À LA BARBARIE
Peut-on survivre à la barbarie ?
Le court séjour que nous avons fait au Cambodge ne permet de mesurer toute la complexité de ce pays aux deux visages, l'un ensoleillé et heureux, l'autre sombre et complexe.
Le Cambodge impressionne bien sûr par la majesté de plusieurs de ses sites mais il trouble tout autant par une histoire marquée par trois décennies de guerre dont celle vécue sous la domination de Pol Pot et des Khmers Rouges. Durant cette période, plus de 539,000 tonnes de bombes ont été lancées sur le pays tant par les américains (guerre du Vietnam), que par les vietnamiens et les cambodgiens eux-mêmes durant la guerre civile.
Nous avons gagné la frontière cambodgienne en naviguant le Mékong de Chau Doc au Vietnam jusqu'à la capitale Phnom-Penh, considérée comme un siège politique et économique ainsi qu'une ville de transit.
Notre séjour prend forme autour de la visite du Palais Royal, de
Nous quittons Phom-Pen pour Siem Reap, ville charmante qui draine beaucoup de touristes compte tenu de sa proximité avec la cité magique d'Angkor. Nous en faisons notre port d'attache durant une semaine. Les deux premières journées sont réservées à la visite des principaux temples d'Angkor. Des expériences uniques qui permettent d'apprécier l'ampleur des lieux : contempler la sérénité et la splendeur des 216 figures énigmatiques du temple de Bayon ; se laisser baigner dans les couleurs du soleil couchant sur le majestueux Angkor Wat, le plus grand monument religieux du monde ; réaliser la force de la nature qui reprend ses droits dans les ruines du temple de Taprohm ; admirer la délicatesse des sculptures de divinités en trois dimensions du temple de Banteay Srei ; marcher et grimper dans la jungle pour découvrir les dizaines de lingas (symbole phallique) sculptés dans le lit d'une rivière en cascade ; escalader des centaines de marches pour embrasser le paysage environnant les temples ; imaginer la puissance de l'empire Kmer qui a vue défiler des dizaines de rois aux noms mystérieux tels les nombreux Jayavarman (7) qui ont construit ces temples ; escalader la montagne pour voir le coucher du soleil en compagnie de milliers de personnes au sommet du temple de Phnom Bakhneng. Ces centaines de temples sont en définitive le squelette d'un très vaste empire qui à son zénith avait une population de 1 million de personnes.
La campagne et les villages avoisinants sont attirants. Nous les découvrons en en touk-touk et à vélo. Une escapade de deux jours nous conduit par bateau plus au nord vers Battangbang. Pour s'y rendre, nous traversons le lac Tonlé à travers des marais peu profonds et étroits qui donnent aux lieux un caractère sauvage. Nous croisons un impressionnant village flottant ; école, bibliothèque, marché et maisons sont à fleur d'eau. Impressionnant.
Une longue journée en touk-touk dans la région immédiate de la ville ne manque pas de charme. Nous sommes 4 dans le véhicule. Les routes poussiéreuses vous étouffent mais les points de vue sont bucoliques. Les petits villages se succèdent véritables tableaux de la réalité rurale. La pauvreté s'étale à chaque virage.
C'est la période de la culture du riz. Les villageois se rassemblent pour la corvée. Nous faisons une halte pour observer bien sûr, mais aussi pour tenter de mettre l'épaule à la roue. L'outillage est précaire et nous ne pouvons nous empêcher de faire le parallèle avec la réalité québécoise d'il y a 60 ans. Revenons à Siem Rep contents de notre courte évasion. Cela met un terme à notre séjour au Cambodge.
Pendant les onze jours passés en sol cambodgien, nous avons été éblouis par la splendeur des temples d'Angkor. Nous avons aussi découvert un peuple marqué par un génocide sans nom et sanglant.
Comment survivre à tant de barbarie ? Voir deux millions de ses compatriotes disparaître, son père, sa mère ou sa sœur torturés, sa capitale vidée de ses habitants, son passé et sa culture reniés accablent un peuple pour de très longues années. Trente ans plus tard, nous avons rencontré des cambodgiens calmes, souriants et pleins de gentillesse tentant difficilement d'échapper aux années d'un régime politique radical et brutal.
Le 17 février dernier s'ouvrait le premier procès pour génocide d'un des ex-dirigeants du régime Pol Pot. Il s'agit de Douch, un ancien professeur de mathématiques de 66 ans ex-commandant du S-21. Les chefs d'accusation : meurtres, extermination, réduction en esclavage, viol, persécution pour motifs politiques et autres actes inhumains. 30 ans plus tard, on se questionne sur la réelle volonté politique de confronter ceux qui ont tué 2 millions de cambodgiens. D'autant qu'ils se font vieux : entre 76 et 83 ans. Il faut aussi rappeler que l'on a laissé faire le génocide au Cambodge comme l'affirmait François Cartier d'Avocats sans Frontières à l'occasion de l'ouverture du procès. Pour la population cependant le drame est encore vif et sous une résignation de surface, l'enfer reste toujours présent dans les mémoires.
Marie et Alain
Avril 2009
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 63 autres membres